Les colocataires du Bois-Hanté

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En 2005, lorsque nous lui avons acheté les bâtiments et la maison de son ancienne ferme, oncle Joseph nous a immédiatement prévenus : des chats-huants hantent les lieux la nuit … Ces hôtes pourraient-ils être à l’origine du nom donné au Bois-Hanté? Occupés que nous étions par les nombreux chantiers de rénovations auxquels nous avons dû faire face après cette acquisition, et sans avoir noté de traces particulières de leur présence, nous n’avons tout d’abord pas prêté beaucoup d’attention à ces prétendus visiteurs nocturnes. D’autant moins que nous n’étions pas très souvent présents sur place.

Une première apparition …

C’était mi-Juin 2008, en venant relever la boîte à lettres située au pied du grand chêne à l’entrée de la propriété… Quelle surprise de voir une petite boule grisâtre avec sa tête duveteuse qui me regardait fixement de ses yeux magnifiques à l’iris jaune vif – un adorable poussin de chouette chevêche pas encore capable de voler, tout juste tombé du creux de l’arbre qui l’avait vu naître! Etait-ce des chouettes chevêches qu’oncle Joseph appelait chats-huants, ou bien une autre espèce de chouettes ou de hiboux ? Nous ne le saurons jamais, mais nous avions désormais l’assurance de la présence de colocataires dans notre petit domaine. Cela m’incita à observer plus attentivement les signes et traces de leur activité.

… et rapidement la confirmation !

Au cours des années qui suivirent, nous pûmes voir très régulièrement des chouettes chevêches surveillant les alentours.  Souvent posées sur la poutre de la grange faisant face à la maison, elles se prélassaient au soleil du matin. Leur apparition dès les premières lueurs du jour, du printemps à la fin de l’automne, était à chaque fois un petit bonheur – et l’on pouvait assurément se demander qui des deux observait le plus l’autre …

Au fil des ans, la présence quasi permanente d’adultes sur les poutres de cette ancienne grange et l’observation de juvéniles, de la fin du printemps à la fin de l’été, confirmaient la présence au Bois-Hanté d’un couple sédentaire. Mais où pouvaient-ils bien nicher, en particulier maintenant que nous avions entièrement rejointoyé les murs de cette ancienne grange ?

Le vieux chêne situé en bord de route à l’entrée de la propriété ne semblait pas l’endroit idéal pour élever une nichée de poussins car mal exposé aux intempéries. A l’automne 2022, une recherche plus attentive de traces de déjections et de pelotes de réjection me mit sur la piste d’une cavité étroite. Ce trou, coincé entre le haut d’un des murs de la grange et la toiture, parait offrir toutes les garanties requises de tranquillité. Mais cet espace semble aussi bien étriqué. Cela m’incita à envisager la fabrication d’un nichoir dont j’espérais qu’il serait plus adapté, et donc rapidement adopté !

La construction du nichoir.

Début mars 2023, après quelques recherches sur Internet pour mettre toutes les chances de mon côté, je m’attelai donc à la fabrication de ce nichoir . Je le souhaitais à la fois pratique et discret, à proximité immédiate de leur poste d’observation favori. Le débord du toit de la grange offrait l’opportunité de construire une structure simple, à l’abri des vents dominants et de la pluie.

Après quelques heures de bricolage pour réaliser cet habitat sur mesure, nos colocataires allaient finalement pouvoir adopter un abri comprenant couloir d’accès et chambre de nidification. J’espérais ainsi que nous allions pouvoir les observer à notre guise puisque le trou d’accès au nichoir est directement visible de la maison d’habitation!

L’essayer, c’est l’adopter !

Pour notre plus grand plaisir, l’attente n’a pas été bien longue … Dans les jours qui ont suivi, le nichoir a été visité puis rapidement adopté comme en témoignent les photos qui suivent.

Pour nous assurer que nos hôtes s’y sentaient bien en notre absence, j’ai fait l’acquisition d’une caméra de chasse. C’est un genre de caméra qui, par détection de présence, déclenche la prise de vue de photos et/ou de vidéos en vision diurne ou nocturne (avec éclairement en lumière infra-rouge, invisible pour nous et nos hôtes). Cette caméra a été placée en des endroits différents au cours de la saison.

Objectif atteint !

Dès le mois de Mai, la fréquence des allers-retours du mâle au nichoir nous le faisait pressentir, mais ce n’est que fin Juin que nos espoirs ont trouvé confirmation – notre couple de chouettes chevêches avait donné naissance et élevé en toute discrétion dans ce nouvel habitat une portée d’au moins trois poussins, peut-être même quatre. Et la nourriture qui leur a été apportée, d’abord par le mâle puis par les deux parents, a été variée : campagnols, mulots, papillons, larves, sauterelles et probablement même des orvets ont été, entre autres, au menu.

Malheureusement, la saturation de la carte mémoire de la caméra due à une absence trop longue ne nous a pas permis de capturer de traces de la toute première sortie du nichoir de ces poussins. Mais une observation attentive de ces colocataires lors de nos séjours ultérieurs ainsi que le visionnage de toutes les photos et vidéos enregistrées en notre absence nous ont révélé nombre de comportements souvent émouvants, parfois intrigants et toujours dignes d’intérêt comme en attestent les quelques photos du denier diaporama ci-dessous.

Nous avons aussi pu relever par trois fois en septembre la visite nocturne inattendue d’une chouette effraie des clochers, probablement un jeune de l’année en quête d’un endroit accueillant pour s’y établir.

Je ne saurais terminer cet article sans avoir une pensée attristée pour les deux jeunes poussins que j’ai malheureusement trouvé écrasés sur la route en ce petit matin du 21 Juillet. Un événement qui illustre que la population de jeunes chevêches est marquée par un très fort taux de mortalité la première année.

Amis automobilistes, soyez vigilants de la fin du printemps à la fin de l’été car, contrairement à nombre d’autres oiseaux, les jeunes chouettes posées sur la route la nuit et au petit matin ne s’envolent pas au passage des véhicules …

Sources:

  • Wikipedia (suivre les liens dans le texte)
  • Oncle Joseph, décédé en 2011 mais toujours présent dans nos mémoires
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